CONTES

Pourquoi s'appelle-t'il Chat ?

Conte Vietnamien

Il était une fois, il y a bien longtemps, un jeune garçon qui s'appelait Xuân (ce qui veut dire "printemps"). Xuân possédait un animal qui lui était très cher et dont il prenait grand soin. Cet animal était un chat, que Xuân appelait "Mêo" (ce qui signifie "chat").

Un jour que Xuân observait son chat, il se dit :
« Vraiment, quel dommage de donner un nom si commun à un animal si noble et si joli ! »

Et Xuân réfléchit à un nouveau nom pour son chat.
« Ça y est !, se dit-il soudain. Je vais appeler mon chat Soleil. Le soleil n'est-il pas en effet l'astre le plus puissant, sans lequel rien sur Terre ne pourrait vivre ? »

Et Xuân, tout joyeux, se mit à appeler son chat :
« Soleil ! Soleil ! »

Or le voisin de Xuân, qui passait par là, entendit le garçon appeler son chat, et il se mit à rire.
« Est-ce ton chat que tu appelles ainsi ?»

Xuân répondit, un peu penaud :
« J'ai décidé que le nom de "chat" était bien trop commun pour un si noble animal. Aussi ai-je décidé d'appeler mon chat "Soleil", car c'est lui le maître du ciel, et nul n'est plus puissant que lui.»

Le voisin de Xuân répondit alors :
« Oui, tu as raison. Mais, dis-moi, Xuân, le soleil n'est-il pas caché à notre vue dès qu'un nuage passe devant lui ? »
« Tu as raison, voisin, s'écria aussitôt Xuân. Je n'y avais pas pensé. Grâce à toi, mon chat s'appelera "Nuage", celui qui peut cacher le soleil ! »

Le voisin répondit alors :
« Sage décision, Xuân. Mais ne semble-t-il pas que, d'un seul souffle, le vent peut chasser le nuage ?»
« Tu as raison, voisin. Le nuage ne peut résister au vent. J'appelerai donc mon chat "Vent" !»

De nouveau, le voisin sourit. Il reprit :
« Bien décidé, Xuân. Mais une chose me tourmente : le vent ne peut rien contre un solide mur de brique, il souffle et souffle, et le mur résiste. »
« Oh la la, fit Xuân en s'épongeant le front, tu as encore raison. Un mur, voilà qui est solide et puissant. C'est ainsi que je nommerai mon chat désormais. »

« Mais dis-moi, Xuân, le mur, est-il vraiment si solide ? Une simple petite souris peut l'abattre, rien qu'en le creusant petit à petit ! »
Xuân eut un air abattu.
« Heureusement que tu es là, voisin. Quelle sottise j'allais faire ! Eh bien, c'est décidé, mon chat s'appelera "Souris". »

Le voisin sourit alors de plus belle.
« Mais, Xuân, je connais quelque chose que la souris fuit par-dessus tout. »
Xuân demanda aussitôt :
« Quoi donc ? Dis-le moi, voisin. »

« Eh bien, dit le voisin, une souris s'enfuit sur le champ dès qu'elle voit un chat ! »
Et le voisin se mit à rire à gorge déployée.

Xuân, tout penaud, regarda son chat, et finit par rire lui aussi.
« Je me creusais le crâne pour te trouver le nom le plus puissant qui existe, dit Xuân à son chat, alors que tu l'avais déjà !»

Et encore maintenant, au Viêt-Nam, les chats s'appellent "Mêo" ("chat").



Le mariage du chat et de la renarde

Conte populaire russe

Il était une fois un paysan qui avait un chat. Ce chat faisait tellement de dégâts que le paysan en eut assez. Il finit par le fourrer dans un sac et par l'emporter dans la forêt. Il l'y laissa, pensant qu'il ne tarderait pas à périr. Mais le chat, à force d'errer, découvrit l'isba d'un garde forestier. Il se trouva là un abri dans le grenier et s'y installa confortablement; pour manger, il chassait oiseaux et souris de la forêt et vivait sans souci.

Un beau jour, comme il se promenait, il rencontra la renarde. Celle-ci s'étonna :
"Depuis le temps que je vis dans cette forêt, jamais je n'ai vu animal pareil !"

Elle salua le chat et le questionna :
"Dis-moi vaillant gaillard, qui es-tu, comment es-tu venu jusqu'ici et quel est ton nom?"

Le chat répondit en hérissant le poil :
"Je vous suis envoyé de la forêt sibérienne pour être votre bourgmestre. Je m'appelle Kotoféi Ivanovitch"

"Par ma foi, Kotoféi Ivanovitch, dit la renarde, je n'avais jamais entendu parler de toi. Mais viens donc me rendre visite !"

Le chat la suivit. Elle l'introduisit dans son gîte et se mit à le régaler de gibier. Puis elle lui demanda :
"Dis-moi, Kotoféi Ivanovitch, es-tu marié ou garçon?"
"Garçon", dit le chat
"Et moi, je suis demoiselle, dit la renarde. Epouse-moi !"

Le chat accepta et ils firent un festin pour fêter l'évènement.

Le lendemain, la renarde s'en fut aux provisions afin qu'ils aient de quoi se nourrir, elle et son mari de fraîche date. Quant au chat, il resta à la maison. La renarde court, à sa rencontre avance le loup. Il commence à la peloter :
" Où donc étais-tu, commère ? Nous avons fait tous les terriers sans te trouver"
"Bas les pattes, imbécile ! Ma vie de demoiselle est terminée, je suis à présent une femme mariée !"
"Qui donc as-tu épousé, Lisaviéta Ivanovna ?"
"Tu n'as pas entendu parler du bourgmestre Kotoféi Ivanovitch qui nous est envoyé des forêts sibériennes ? Eh bien, je suis à présent femme de bourgmestre !"
"Eh non, Lisaviéta Ivanovna, je ne le connais pas et j'aimerais bien le voir !"
"Oh, mais c'est que mon Kotoféi Ivanovitch n'est pas commode du tout ! Si jamais quelqu'un lui déplaît, il en fait deux bouchées ! Aussi, crois-moi, trouve-lui un mouton et offre-le lui. Le mouton, tu le lui déposeras en lieu sûr, mais en demeurant caché car, s'il te voyait, il pourrait t'en cuire !"

Le loup partit se procurer un mouton.

La renarde poursuit sa rout. Soudain, elle croise l'ours. Il se met à la peloter :
" Bas les pattes, Michka le balourd ! Ma vie de demoiselle est terminée, abruti, je suis à présent une femme mariée !"
"Qui donc as-tu épousé, Lisaviéta Ivanovna ?"
"Le bourgmestre Kototféi Ivanovitch qui nous est envoyé des forêts sibériennes !"
"Peut-on le voir, Lisaviéta Ivanovna ?"
"C'est à dire que mon Kotoféi Ivanovitch n'est pas commode du tout, si jamais quelqu'un lui déplaît, il en fait deux bouchées ! Le mieux, c'est que tu lui fasses présent d'un taureau. Le loup, lui, apporte un mouton. Mais prends garde de le lui déposer en restant caché car, s'il te voyait, frère, il pourrait t'en cuire !"

L'ours se traîna à la recherche d'un taureau.

Voilà le loup qui rapporte un mouton, l'écorche vif et reste là, embarrassé. Il lève les yeux, aperçoit l'ours qui de son côté tire un taureau.
" Bonjour, frère Lévone ! Eh bien, as-tu vu la renarde et son mari ?"
"Non frère, cela fait un moment que je les attends !"
"Va les appeler !"
"Pour rien au monde, Mikhaïl Ivanytch ! Vas-y, toi qui es moins peureux."

Tout à coup, entre leurs jambes, file un lièvre. L'ours le hèle :
"Viens jusqu'ici, diable bigle !"

Effrayé, le lièvre accourt.
"Voyons, le sauteur bigle, sais-tu où habite la renarde ?"
"Oui, Mikhaïl Ivanytch !"
"Alors, cours lui dire que Mikhaïl Ivanytch et son frère Lévone Ivanytch sont prêts depuis longtemps, qu'ils les attendent, son mari et elle, pour leur faire présent d'un mouton et d'un taureau !"

Le lièvre détala. L'ours et le loup ne savaient où se cacher. L'ours dit :
"Je vais grimper dans le pin !"

Et le loup :
"Et moi alors ? Je ne peux pas grimper ! Mikhaïl Ivanytch, je t'en prie, aide-moi, cache-moi quelque part !"

L'ours le cacha dans un épais fourré et le recouvrit de feuilles mortes; quant à lui, il grimpa tout en haut du pin et se mit à regarder s'il voyait venir Kotoféi et la renarde. Entre-temps, le lièvre avait couru jusqu'a gîte de la renarde et il lui annonçait :
" Mikhaïl Ivanytch et son frère Lévone Ivanytch m'ont envoyé te dire qu'ils étaient prêts depuis longtemps et qu'ils vous attendaient ton mari et toi, pour vous offrir un taureau et un mouton !"
"Va, bigleux, nous te suivons !"

Le chat et la renarde s'avancent. Les apercevant, l'ours dit au loup :
"Eh, Lévone, voilà la renarde et son mari ! Vrai, qu'il est petit !"

En arrivant, le chat se jeta sur le taureau, tous poils dehors, et il se mit à déchirer les chairs de ses griffes et de ses dents en grognant de colère :
"C'est peu, c'est bien peu !"

L'ours commenta :
"Il n'est pas grand, mais comme il dévore ! A nous quatre, nous n'arriverions pas à bout de ce taureau, et lui, il n'en a pas assez !"

Le loup brûlait de curiosité, mais les feuilles l'empêchaient de voir. Il voulut les écarter. Entendant du bruit dans les feuilles, le chat pensa que c'était une souris. Il se jeta droit sur la gueule du loup et y planta ses griffes.

Le loup bondit et s'enfuit aussi vite qu'il le put. Le chat, effrayé lui aussi, s'élança dans l'arbre où l'ours était caché.
"Malheur, pensa l'ours, il m'a vu !"

N'osant redescendre de branche en branche, il s'en remit à sa bonne étoile et sauta, manquant se rompre les os. D'un bond, il se releva et s'enfuit. La renarde, elle, les poursuivait de ses cris :
"Vous allez voir ce qu'il va vous passer ! Attendez un peu !"

Depuis lors, toutes les bêtes eurent peur du chat. Le chat et la renarde entassèrent des réserves de viande pour tout l'hiver et se mirent à vivre sans souci. Et ils vivent toujours et mangent du pain.


Le chat qui voulait aller au ciel

adapté d'une histoire bouddhiste

Il était une fois un peintre japonais très, très pauvre... Le plus pauvre parmi les démunis dont les ressources n’allaient qu’en s’amenuisant et qui perdait peu à peu courage malgré toute la sagesse que sa foi lui conférait.

Un jour, il dit à sa vieille tante qui logeait avec lui n’ayant guère les moyens de se subvenir plus que lui :
"Ma tante, prenez cette dernière pièce d'argent que nous avons, et allez nous acheter encore le peu de nourriture qu’elle nous vaudra, nous n'en avons presque plus... Et, après, cela eh bien... nous nous coucherons et le destin décidera de ce qu’il adviendra..."

Et la vieille s'incline et s'exécute. Elle s’en revient un peu plus tard, mais au lieu d'avoir rempli son cabas de riz et d'autres nourritures, elle porte dans son kimono un tout petit chat.

Le peintre s'étonne, consterné et la vieille gênée lui explique que sortie pour leur offrir un dernier repas, elle n’a pu faire quelques pas avant d’arriver à une petite échoppe qui exposait le chaton.
" O mon neveu, je sais que je n'ai pas suivi vos ordres, et je sais aussi que cela ne semble pas raisonnable, mais j'ai plutôt acheté ce petit chat car il y a, dans le premier regard que nous avons échangé la promesse d'un heureux avenir...".

Le peintre hoche la tête désespéré mais calme, il quitte la pièce, remplit une écuelle et la porte au chat. Ce dernier prend poliment possession des lieux mais, pendant une grosse semaine, il ne touche pas à la nourriture. Comme s'il avait compris qu'il n'en restait plus beaucoup dans cette maison et que chaque bouchée doit y être mesurée.
Le peintre, d'ailleurs, le remarque, s'étonne et se sent touché par l’attitude du chat. Mais il ne reste quand même presque plus rien à manger dans la pauvre demeure...

Le matin suivant, on frappe à la porte. C'est le prêtre du grand temple de la ville qui vient proposer au pauvre peintre de réaliser une fresque de la mort du Bouddha dans le plus grand temple de la ville... Le peintre croit rêver car le voilà lui et sa maisonnée sauvée de la misère et de la mort. Cette œuvre devait lui apporter plus que jamais, il n’avait rêvé avoir : la richesse bien sur mais de plus la gloire et le respect de tous.

Le peintre jette un œil au petit chat, puis à la vielle bonne, esquisse un sourire et... bien entendu, il accepte. Le petit chat, en faisant un petit miaou timide, commence enfin à lécher un peu de son écuelle...

Et le peintre se met au travail... or selon la légende, lorsque le Bouddha a été à l'article de la mort, toutes les créatures de la terre, humains et animaux, ont dépêché des représentants pour lui rendre un ultime hommage. Toutes, sauf les chats... trop paresseux, trop orgueilleux, trop indépendants, ceux ci ne se mêlèrent pas à l’hommage et auraient été maudits par le dogme de la légende bouddhiste et exclus du paradis à tout jamais. Alors le peintre commence sa fresque ... Il dessine le Bouddha, allongé sur le flanc, couché sur un lit de pétales de roses ... Tous les animaux et toutes les créatures en hommage prêt de lui … et les mois courent sur un titanesque travail de précision et de respect des textes. Le petit chat, toujours à ses côtés, sans faire de bruit ni bouger d'une vibrisse, le regarde, intensément ...

Puis, le peintre se met à peindre l'éléphant qui, toujours selon la légende, est le premier à être venu rendre au Bouddha son dernier hommage. Et le petit chat est toujours là, comme absorbé par le travail du peintre...

Puis, c'est le tigre, puis le rat musclé, puis le serpent à lunettes, la gélinotte huppée, l'ibis de Nubie, le harfang des neiges, la tortue des Galápagos, le chameau à deux bosses de Bactriane, l'agouti mundi, l’escargot géant du Centre-Sud, le marabout ... Et le petit chat est toujours là, intensément là, sans bouger, mais tout vibrant de ce qui doit arriver malgré tout ...

Et le peintre poursuit sa toile en dessinant le cheval, la girafe, le hérisson, le chat sauvage hottentot, le rat géant de Sumatra, l'ornithorynque nain, le toucan commun, la gazelle de Kruger, le lépidoptère de Nouvelle-Guinée...

La complicité entre l’artiste et le félin est à son comble et pourtant quelque chose y manque ... Le peintre se met à lui parler un peu, puis plus, puis enfin tout le temps.

Un jour, n'y tenant plus, ayant il s'adresse au petit chat :
"Écoute... tu sais que... je ne peux pas te peindre dans la fresque parce que..."
Et le petit chat baisse les oreilles, lance un " hwmrmw " un peu triste, et va se rouler en boule au fond de la pièce, brisant le cœur du peintre attaché plus qu’il ne l’aurait du à l’animal qui s’est confié à lui avec toute la candeur d’un enfant.

Le dilemme est terrible pour notre peintre, il hésite, doute, conscient de lutter contre une hérésie qui lui coûterait tant mais donnerait au compagnon de son âme le seul bonheur qu’il n'ait jamais réclamé. Mais finalement, priant que nul ne l’aperçoivent, il dessine en toute fin de sa fresque, à l’ultime angle de toile, si petit qu’on oublierait aisément de le remarquer, un petit chat tout à fait conforme à celui que la folie d’un jour de désespoir lui a offert.

Le lendemain matin, en voyant ca, le petit chat est transporté d'un tel bonheur qu'il meurt de joie. Désemparé et éprouvant pourtant une énorme satisfaction, le peintre présente enfin la fresque qui est exposée dans le grand temple.

La première réaction voit l’ensemble de la communauté exprimé le plus pur ravissement et le respect le plus profond pour l’œuvre magnifique réalisée par le peintre mais un curé un peu plus attentif que les autres remarque la minuscule forme tout à l'extrémité du tableau et s’indigne de l’hérétique présence d’un chat :
"Profanation! Sacrilège! Péché mortel !"

Le peintre s'attrista d'être même trop pauvre pour avoir un sabre pour convenablement mettre fin à sa vie. La vieille tante se mis à douter d’avoir vraiment eu une si bonne idée et l'écuelle du petit chat restait inutilement posée à terre.

Puis la nuit vint et le lendemain, le petit prêtre qui allait ouvrir les stores du grand temple, se frotta les yeux quand il jeta un œil sur la fresque promise au bûcher et en resta bouche bée. Enfin il se précipita pour réveiller le grand-prêtre, lequel accourut pour voir l’œuvre qu’il avait violemment condamné la veille.

Et là, le grand-prêtre n'en cru pas ses yeux. Sur la toile, en effet, il y avait toujours le Bouddha étendu sur le flanc, prêt à partir en aller simple pour le nirvana, les traits rayonnant d'une béatitude profonde... a son chevet l’hommage ultime de toutes les créatures de la terre, sauf qu'à l’ultime extrémité, il n'y avait plus de petit chat.

Quelqu'un, se dit le grand-prêtre en lui-même, les dieux eux-mêmes peut-être, a du vouloir réparer le blasphème pendant la nuit, et a coupé la bordure de la fresque. Pourtant rien n’avait été enlevé, sinon cette silhouette qui avait disparue et le prêtre regardait la toile comme troublé par un détail qu’il ne pouvait plus voir. On aurait dit qu'il y avait quelque chose de changé dans la représentation même du Bouddha, dans son sourire... Oh, pas grand chose, en fait, presque rien... Excepté que ses mains n'étaient plus jointes, mais un peu entrouvertes, et, entre elles, ronronnait un tout petit chat.

Conte ZEN


Au Japon, il y a deux cents ans un Maître de kendo, Shoken, était tourmenté par un gros rat dans sa maison. Il était obligé de dormir au milieu de la journée. Il sse concerta alors avec un ami qui élevait des chats : un dresseur de chats.
Shoken lui demanda : " Prête–moi donc le plus fort de tes chats. "

L’autre lui prêta un chat de gouttière très rapide et habile à attraper les rats; Ses griffes étaient fortes et ses bonds puissants ! Mais quand il entra dans la pièce, le rat demeura le plus fort, et le chat s’enfuit. Ce rat était vraiment très mystérieux.

Shoken emprunta alors un deuxième chat, de couleur fauve, doté d’un très fort ki (Une forte énergie) et d’un esprit combatif. Ce chat entra dans la pièce et combattit. Mais le rat eut le dessus et le chat s’échappa !

Un troisième chat fut essayé, un chat blanc et noir qui ne put vaincre non plus.

Shoken emprunta alors un quatrième chat, noir, vieux, assez intelligent, mais moins fort que le chat de gouttière ou le chat tigré. Il entra dans la pièce. Le rat le regarda et s’approcha. Le chat s’assit, très calme, ne bougea pas. Alors, le rat commença à douter. Il s’approcha encore, légèrement apeuré, et, soudain, le chat lui attrapa le cou, le tua et l’emporta hors de la place.

Alors, Shoken alla consulter son ami et lui dit :
" J’ai souvent poursuivi ce rat avec mon sabre en bois, mais c’est lui qui m’a griffé. Pourquoi ce chat noir a–t–il pu le vaincre ? "

Son ami lui répondit :
" Il faut organiser une réunion et interroger les chats. Vous les questionnerez puisque vous êtes un Maître de kendo. Les chats comprennent sûrement les arts martiaux. "

Il y eut donc une assemblée de chats présidée par le chat noir qui était le plus âgé.
Le chat de gouttière dit : " J’étais très fort. "
Alors le chat noir lui demanda : " Pourquoi n’as–tu pas gagné ? "
Le chat de gouttière répondit : " Je suis très fort, je possède beaucoup de techniques pour attraper les rats. Mes griffes sont fortes et mes bonds puissants, mais ce rat n’est pas comme les autres."
Le chat noir déclara : " Ta force et ta technique ne peuvent pas être au–delà de ce rat. Même si ton pouvoir et ton wasa sont très forts, tu n’as pu gagner avec ton seul art. Impossible ! "

Alors le chat tigré parla : " Je suis très fort, j’entraîne toujours mon ki, mon énergie, et ma respiration par le zazen. Je me nourris de légumes et de soupe de riz, c’est pourquoi mon activité est très forte. Mais je n’ai pas pu vaincre ce rat. Pourquoi ? "
Le vieux chat noir lui répondit : " Ton activité et ton ki sont forts, mais ce rat était au–delà de ce ki. Tu es plus faible que le gros rat. Si tu es attaché à ton ki, cela devient une force vide. Si ton ki est trop soudain, trop bref, tu n’es alors que passionné. Aussi peut–on dire, par exemple, que ton activité est comparable à l’eau sortant d’un robinet, celle du rat est semblable à un puissant jet d’eau. C’est pourquoi la force du rat est supérieure à la tienne. Même si ton activité est forte, en fait, elle est faible car tu es trop confiant en toi–même. "

Puis ce fut le tour du chat blanc et noir qui n’avait pu vaincre non plus. Il n’était pas très fort, mais intelligent. Il avait le satori. Il avait passé tous les wasa et se contentait de faire zazen. Mais il n’était pas mushotoku (sans but ni esprit de profit), et avait dû fuir lui aussi.
Le chat noir lui dit : " Tu es très intelligent et fort. Mais tu n’as pu vaincre ce rat car tu avais un but. Et l’intuition du rat était plus grande que la tienne. Quand tu es entré dans la pièce, il a tout de suite compris ton état d’esprit. C’est pour cela que tu n’as pu triompher. Tu n’as pas su harmoniser ta force, ta technique, et ta conscience active, qui sont restées séparées au lieu de s’unifier.
Tandis que moi, en un seul instant, j’ai utilisé ces trois facultés inconsciemment, naturellement et automatiquement. C’est ainsi que j’ai tué le rat."

Le chat se tue un instant et enfin il reprit pour son auditoire :
"Mais près d’ici, dans un village voisin, je connais un chat encore plus fort que moi. Il est très vieux et ses poils sont gris. Je l’ai rencontré, il n’a pas l’air fort du tout ! Il dort toute la journée. Il ne mange pas du tout de viande, ni de poisson, seulement de la guenmai (soupe de riz) quelquefois, il prend un peu de saké. Il n’a jamais attrapé un seul rat, car tous en ont peur et fuient devant lui. Ils ne s’en approchent pas. Aussi n’a–t–il jamais eu l’occasion d’en attraper un ! Un jour, il est entré dans une maison qui en était pleine. Tous les rats se sont aussitôt échappés et ont changé de maison. Il pouvait les chasser même en dormant. Ce chat gris est vraiment très mystérieux. Tu dois devenir comme cela, être au–delà de la posture, de la respiration et de la conscience. "

Petit conte pour grands enfants ...

Jade

Ô toi lecteur.
Je vais te conter une histoire.
C'est l'histoire d'une rencontre
Mi virtuelle, mi réelle.
Quand les songes côtoient l'éveil.




Le Chat et la Souris

Blanc matou, de sa papatte, jouait tranquillement à bousculer la tite souris
Un coup, il la ballottait sur la droite
Un coup, sur la gauche
La tite souris, elle
N'ayant jamais rencontré de matou,
Ou plutôt, les ayant soigneusement évité jusqu'à présent
Se demandait où il voulait en venir
Quoiqu'elle se doutait un peu
Mais se mettait soigneusement des œillères
Ainsi que des boules-quies

Elle avait déjà rencontré ce blanc matou,
Une nuit où il rodait dans les champs
Un mélange de tristesse ou de mélancolie s'en dégageait
La tite souris était triste aussi ce jour-là, et elle sentit cela
Et comme son cœur était gros, elle voulut lui parler, le faire rire,
Ou tout au moins lui changer les idées
Il lui parla d'une blanche et douce minette lointaine, et lui confia ses craintes et ses peines
La tite souris touchée par ces paroles lui avoua les siennes
L'heure était tardive et propice aux confidences et la tite souris fatiguée parla et parla
Ils se quittèrent cette nuit-là, les yeux embrumés de larmes

Cette conversation sembla plaire au blanc matou
Tant et si bien qu'il voulut reparler à la souris,
Mais la souris n'avait pas trop pour habitude de traîner la nuit dans les champs
Les dangers étaient trop nombreux
Plusieurs jours se passèrent donc sans que les deux compères ne se rencontrent
Un soir, au détour d'un buisson,
Le chat retomba sur la souris,
Elle était affairée et il attendit qu'elle finisse
La tite souris pensa qu'il voulait encore lui parler de la minette qu'il avait évoquée et écouta sagement
Le matou lui mit une patte sur la queue, délicatement, tout en continuant de parler
Il lui dit que sa blanche minette n'était encore qu'un jeune chaton, et qu'il était plus sage de se raisonner
D'un de ses coussinets, le matou, doucement, caressa le museau de la souris
Voulait-il se changer les idées ?
Oublier la minette de ses pensées ??
La souris ne le savait pas trop
Puis il se mit à la taquiner
Tantôt de ses paroles, tantôt la bousculant légèrement, du bout d'une patte
La tite souris, surprise, décontenancée resta sur une certaine réserve
Mais continua d'écouter le matou
Car il avait une manière de parler et de plaisanter qu'elle appréciait
Se trouvant sotte devant tant d'éloquence et de culture,
Elle buvait ses paroles
Elle savait que le matou ne lui voulait pas de mal
Et même si des fois les mouvements du matou, ainsi que ses mots
L'ont troublée, émue ou effrayée, elle resta à l'écouter
Comme retenue par on ne sait quel attrait magique
Ou peut-être était-ce le doux ronronnement qui la mettait en confiance
L'apaisait l'hypnotisait



Lecteur, tu sais quoi ?
Ben elle est bête cette souris
Car un chat n'est qu'un chat
Et si elle reste là elle va finir par se faire croquer



Et puis le chat lui parla d'amour
La souris pris peur elle n'était qu'une souris !
Il lui dit que vu leurs différences, il ne pourrait être que virtuel cet amour
Mais qu'il était tenté d'y goûter
La tite souris affolée, troublée
Tentée, elle aussi sentit son cœur battre à 250, au moins
Elle lui dit que désormais elle ne traînerait pas la nuit dans les champs
Et qu'elle n'écouterait plus ses paroles
Mais elle savait qu'elle ne pourrait tenir parole,
Car elle aimait bien trottiner sous la lune bleue

Quelques jours se passèrent, la souris reprit du poil de la bête
Et décida de rester ferme et de répondre au chat par la plaisanterie
Elle se dérobait à chaque approche de la douce patte,
A chaque parole ambiguë, esquivant les réponses
Partagée entre le désir de se laisser griser de nouveau par le doux ronron
Et le désir de s'enfuir



Ben tu sais quoi, lecteur ?
Elle est bête cette souris
Et ce chat aussi d'ailleurs
Car il n'est qu'un chat et elle qu'une souris



Mais la souris fort attirée et fort troublée accepta un rendez-vous de jour
"Tu verras, lui dit le chat, je ne te croquerais pas.
Les choses sont autre le jour
Et peut-être réaliseras-tu que tu es une douce persane et non une souris "
La souris restait perplexe
Mais, se dit-elle, elle ne risquait rien
Après tout, s'il avait voulu, blanc matou aurait déjà pu en faire son repas
Finalement, la seule chose que redoutait véritablement la souris,
C'était que ce ne soit qu'un jeu pour blanc matou
Et les chats sont joueurs, tout le monde sait cela
Et la souris réalisa qu'elle préférait de loin être croquée,
Plutôt que de savoir qu'il se jouait d'elle et de ses sentiments naissants
Ils se donnèrent rendez-vous, le jour suivant, à coté du point d'eau.
Le jour, l'activité intense de ce lieu en faisait une sorte de zone neutre.
Le renard côtoyant le lapin, non sans quelques regards concupiscents
L'âne côtoyant le serpent
Chacun, faisant fit de ses peurs ancestrales, vaquait à ses propres affaires
Et ce doux tumulte donnait à cet endroit un caractère particulier
La souris avait de l'avance et son anxiété grandissait
"Pourquoi suis-je donc venue là ?
Que vais-je y trouver ?
Qu'est ce que j'attends d'une telle rencontre ? "
Tant de questions tournaient dans sa tête,
Qu'elle en était un peu perdue.

Le matou était en retard
Et la souris pour tromper son angoisse contemplait les nuages parsemant le ciel
Un vieux renard qui la regardait finit par s'approcher

" Bonjour Dame Grise, dit-il
Tu me semble bien soucieuse
Que de tourments dans ces yeux là,
Que de peines aussi. "

La souris le regarda, sortant de ses rêveries
" Moi ? Soucieuse et malheureuse ? elle eut un rire
Non tu te trompes renard.
Je ne suis que joie de vivre et bonne humeur,
J'étais juste un peu pensive "

" C'est ce que tu t'efforces de montrer
Ce dont tu essayes de te convaincre toi-même, rétorqua t'il
Mais on ne trompe pas un vieux goupil comme moi
Nous nous reverrons, nous en reparlerons "

Une ânesse énervée, qui hurlait des imprécations sur un marcassin qui l'avait bousculé,
Détourna l'attention de la souris un instant
Quand elle se retourna vers le renard pour lui répondre,
Il n'était plus là



Dis-moi donc Lecteur
Le goupil aurait-il plus de raison que moi ?



La souris baissa ses yeux vers le sol
Le matou avait bien tant de retard, peut-être ne viendrait-il pas
Elle commençait à rebrousser chemin quand

" Hey ! Souris ! "
Elle stoppa net
Etait-ce à elle que l'on s'adressait ?
Hésita à se retourner

" Et alors, Souris. Tu te sauvais donc ? "

Elle fit volte face, un sourire aux lèvres, encore marqué d'appréhension
Et elle le vit
Il approchait, moqueur et fier de lui,
D'un pas souple il s'approcha d'elle et la contempla un instant

" Tu es une drôle de souris toi " dit-il comme dans un souffle

L'espace d'un instant elle se perdit dans ses yeux verts
En oubliant le lieu où elle se trouvait
En oubliant même ce qu'elle était

Ils parlèrent pendant des heures, ne voyant plus passer le temps,
Conversation émaillée de rire, emprunte de douceur
Et c'est tout juste s'ils remarquèrent le soleil commencer à pâlir
Tant de se retrouver ensemble était agréable

Ils se quittèrent à contre-cœur
Ayant l'impression de casser quelque chose de précieux

" Mais nous nous reverrons Souris, Lui dit le chat
Sois en sure.
Alors enlève le voile gris sur le bleu de tes yeux "

Ce jour là, la souris regagna son terrier avec un cœur gros comme ça
Le rire du chat, ses doux ronrons résonnaient encore au creux de son oreille.



Dis-moi, lecteur.
Est-ce moi qui suis bête ?
Il n'est qu'un chat et elle une souris
De tels sentiments, entre eux, ne peuvent pas naître



Ils se revirent plusieurs fois, et chacune de leurs rencontres était un vrai bonheur pour la souris
Et de leurs amours coupables nul remords ne venait entacher leurs souvenirs
Mais le temps passant, le chat se faisait plus distant
Quand il discutait avec dame Souris, il en semblait épris
Mais entre deux rencontres, qui devenaient fort rare
Il ne semblait pas rechercher sa présence et ses activités devenaient très prenantes
Une vie de chat bien remplie qui ne laissait que peu de temps au matou pour d'autres rendez-vous
Dame Souris en était assez attristée et paradoxalement elle prit de la distance elle aussi
Tournant et retournant mille pensées dans sa petite tête

A leur dernière rencontre, le chat lui avait dit :
" Souris, je t'adore mais mes pensées sont tourmentées, je ne me vois pas vivre avec une souris. Aussi, je ne voudrais pas que tu attendes trop de mes sentiments "
La souris en eut un coup au cœur mais cacha sa peine derrière un p'tit sourire
" Veux-tu que l'on cesse là ? lui demanda-t-elle,
Désires-tu que je cesse de t'importuner de mes mots doux, de mes pensées ? "
" Non ! ! ! lui dit le chat, j'aime nos rencontres et elles me manquent,
Mais je ne veux pas que tu attendes après une décision que je ne maîtrise pas.
Je voulais que tu saches que tu es libre
Je ne veux pas qu'un jour tu rencontres quelqu'un qui te plaise et que tu passes à coté de ça
Et que tu me reproches de t'avoir fait attendre, en vain, une réponse à tes attentes "
La souris en avait la gorge serrée
Elle se rappela, qu'une fois, elle lui avait dit " je t'aime "
Et que le chat avait clos sa bouche d'une caresse
" ne dis pas ça ce mot me fait peur je t'adore et cela doit te suffire "
alors elle regarda le chat, releva la tête " soit, je ne t'attendrais pas "
et ce disant, elle eut l'impression de lui dire adieu

Un matin brumeux et froid, elle revit le goupil, assis près du point d'eau
Elle se dirigea droit sur lui et sans ambage lui adressa la parole
" vous aviez raison Maître Renard je suis triste "
Une larme scintillât sur la fourrure de sa joue
" je voulais croire en l'amour, mais l'amour n'est pas pour moi "
" ne soit donc pas sotte Dame Grise, tu fais injure à ton intelligence
Que cet amour là ne soit pas pour toi, il faut en convenir
Mais ne dit pas que l'amour n'est pas pour toi car ce serait te mentir à toi-même
Tu es splendide, Dame Grise et si tu ne t'en es pas rendue compte plus tôt,
Il serait largement temps de le faire
Tu rencontreras l'amour, sois en sûre, mais pour cela, donne-toi les chances de le rencontrer.
Pars, visite le pays.
Va voir sous d'autres horizons si le soleil brille plus fort,
Et je te garantis que de ce voyage tu ressortiras enrichie "
La Souris resta pensive, que pouvait lui apporter de voir d'autres contrées
" Autre chose, Dame Grise cesse donc de te prendre pour une souris,
dit le goupil en disparaissant d'un bond. "
" car nulle persane n'a le regard plus profond "
entendit-elle comme dans un souffle porté par le vent.



Que dois-je comprendre, lecteur.
Que les persanes sont sottes au point de se croire souris.
Au point de s'éprendre d'un matou dont l'âme vagabonde, par divers chemins, vous rappelle votre raison d'être
Qu'il n'est nul besoin de projeter ses rêves sur les gens pour qu'ils deviennent réalité, si la personne choisie n'est pas la bonne ?
Que l'on ne peut forcer l'amour des gens par son désir d'être aimé ?
Qu'il faut attendre de se comprendre soi-même pour arriver à comprendre ce que l'on est et ce que l'on ressent ?
Que l'on doit avoir souffert auparavant pour se rendre compte de la souffrance des autres ?

Je te laisse seul juge lecteur
et que de tes pensées jaillisse la clairvoyance
car c'est une qualité, hélas, bien ignorée.
C'est en tout cas une qualité qui ne m'a pas été octroyée



La petite souris bleue

Josiane Amsallem

Il était une fois, dans une immense maison, une petite souris bleue qui avait faitde son logis un trou dans le mur de la salle à manger. Elle vivait sa vie de petite souris, heureuse, chantant toute la journée, car elle avait à sa disposition toute la réserve de la maison.

En effet, dans un très grand placard, la locataire gardait toutes les bonnes choses nécessaires à une petite souris. Son seul regret était de ne jamais sortir dans la rue, car la couleur de son pelage faisait rire les copines du voisinage.

Elle avait comme ami, cela n'est pas naturel, un chat ! Et quel chat ! Le chat de la propriétaire, qui l'avait justement sorti de la fourrière pour se préserver de tous ces petits rongeurs qui, elle en était sûre, viendraient lui dévorer tous ses gâteaux confectionnés la veille.

Madame Legrand, appelée aussi Madame Tonnerre car elle hurlait tout le jour, ne pouvait pas imaginer une amitié possible entre les deux animaux par nature ennemis.

Dès que Mme Tonnerre sortait faire des courses, munie de son grand panier et coiffée d'un horrible chapeau à fleurs, notre ami chat venait près du trou de la petite souris, dite Mimi, et tenait conversation sur les potins des alentours, Monsieur Chat contant à son amie, les nouvelles de l'extérieur.

Mimi était une gentille femelle abandonnée là, ses parents ayant fui la souricière. Papa et maman souris avaient en réalité un peu honte de leur progéniture car une souris bleue ça n'existe pas !

Alors, Monsieur Chat se prit d'amitié pour cette petite chose si ravissante et si fragile, ignorant que les hommes avaient décidé que les souris seraient mangées par les chats. Monsieur Chat savait y faire et pendant toute la journée, il allait se frotter contre les jambes de Madame Tonnerre qui ne manquait de lui offrir toutes les friandises et les pâtisseries qu'elle avait mis au four le matin même.

Monsieur Chat en gardait une grande partie pour son amie, et dès que la propriétaire avait le dos tourné, il se précipitait près de chez Mimi, miaulait tout doucement pour la prévenir de son arrivée, et se dépêchait de faire pénétrer dans son trou les meilleurs morceaux qu'il avait gardés pour elle.

Mimi prenait du poids et faisait des mamours et des câlins à son protecteur. Lorsqu'ils étaient seuls, tous deux dans la grande maison, ils jouaient à cache-cache dans toutes les pièces. Il y avait 7 chambres car Mme Tonnerre avait eu 7 enfants. Mais trop méchante, ils avaient fui le foyer familial dès que possible, et Madame Tonnerre vivait depuis toute seule dans cette grande demeure.

Le ménage n'était jamais fait, aussi très vite les araignées avaient pris possession des plafonds et recoins. La poussière recouvrait meubles et bibelots et très bientôt, la maison prit une réputation de maléfique. Dans le village, on menaçait les enfants désobéissants de les donner à Madame Tonnerre.

Les jours et les nuits passaient, et nos deux compères continuaient leurs jeux, là dans la troisième chambre, ici dans le dernier placard du deuxième étage, tant et si bien qu'ils décidèrent de vivre ensemble dans le même trou de mur.

Mais voilà Monsieur Chat était trop gros ou Mimi trop petite. Alors tout naturellement Mimi proposa de faire son lit dans le panier de Monsieur Chat, lorsque Madame Tonnerre dormirait de son profond sommeil.

Mme Tonnerre ronflait très fort, et si nos amis ne la connaissaient pas, ils auraient déserté immédiatement ce logis. Mais pour eux, ce terrible ronflement leur donnait le signal. Alors Mimi se lovait entre les pattes de son meilleur ami. Là, bien au chaud, Monsieur Chat léchait son petit museau de souris et lissait les poils de sa petite moustache. La toilette du soir ainsi faite, ils passait une bonne nuit d'amour pas naturelle chez de tels sujets.

Un jour, Madame Tonnerre invita sa soeur à la maison. Elle était aussi vilaine que méchante : elle vint la visiter avec son gros matou à qui on avait appris à chasser tous les rongeurs. Gros et gras, il fouinait partout dans la maison, s'accrochait aux rideaux du salon et faisait ses griffes sur les vieux meubles de Madame Tonnerre.

– Ah! quel bel animal, s'exclamait Mme Tonnerre, comme il tient bien son rôle de chat et comme il a l'air efficace; le mien est bien trop gentil ! se plaignait-elle.

Mme Tonnerre avait servi du thé dans les vieilles tasses toutes ébréchées; elle était beaucoup trop avare pour en acheter d'autres. Les deux vieilles femmes discutaient avec fougue des événements de la vie sociale des animaux.

Le chien de la voisine avait mordu sa maîtresse qui l'avait battu; l'âne du fermier ne voulait plus avancer malgré les coups de bâton assenés sans cesse. Quelle époque ! La Société protectrice des animaux se révoltait des sévices portés à ces bêtes. "Où va-t-on ?" se plaignaient les deux mégères.

Pendant ce temps le gros matou et Monsieur Chat s'épiaient mutuellement, se reniflaient, la queue haute et tous deux prêts à s'agripper. Puis, le gros matou voulut visiter la maison de son hôte et déambula dans toutes les pièces. Monsieur Chat, inquiet, le suivait de loin, et veillait à ce que ce féroce félin ne découvrît pas la cachette de son amie Mimi.

Le voilà dans la cuisine. Sur la table est posé un magnifique gâteau, tout recouvert de crème et qui attend d'être dégusté par nos deux vieilles dames. D'un saut, gros matou est sur la table et commence à lécher Chantilly et chocolat. Monsieur Chat, voulant faire fuir cet invité mal élevé, se précipite sur lui. Catastrophe ! L'assiette et son contenu tombent à terre faisant un énorme fracas sur le carrelage mal lavé.

Gros matou sort ses griffes et d'un coup, d'un seul, frappe Monsieur Chat sur le museau. Un cri jaillit de la bouche de notre ami, il a très mal mais serre les dents, et tâche de se sauver de ces pattes cruelles.

Les deux vieilles dames, alertées par ce vacarme accourent, mais le gros matou, très malin, est allé se blottir contre les jambes de sa maîtresse, tandis que Monsieur Chat prend peur et se réfugie sous la chaise.

Madame Tonnerre se saisit d'un martinet et se jette sur la pauvre bête pour lui donner la correction qu'il mérite, dit-elle. Alors la petite souris bleue, qui a suivi la scène de son petit trou, a une idée géniale. Elle sort en criant de toute sa petite voix et se faufile entre les pieds des mégères, puis sous la table, sous la chaise et grimpe même sur le meuble de cuisine.

Complètement affolées, les deux vieilles hurlent de peur, chacun sait que les souris ont toujours été la terreur des méchantes dames.

– Ciel ! une souris chez moi malgré mon chat, mais que fait-il donc toute la journée ?

Une grande course s'ensuit. Le gros et vilain chat court après Mimi et croit en faire son déjeuner puisque le gâteau lui serait à présent interdit. Monsieur Chat suit son adversaire, tandis que les deux affreuses femmes gesticulent de tous leurs membres osseux et dégarnis, en poussant des cris stridents.

La petite souris, elle, pour la première fois de sa vie, rit de bonheur de déjouer l'astuce d'un horrible félin qui avait décidé de l'avaler toute crue. Mais gros matou ne connaissait pas tous les recoins du logis, aussi Mimi se faufile sans hésiter dans un de ses petits trous secrets pour se mettre à l'abri tandis que le matou s'écrase le museau contre le mur.

Assommé, il reste inconscient quelques instants, tandis que sa maîtresse, outrée, se précipite pour le cajoler.

Madame Tonnerre n'en croyait pas ses yeux. Une souris qui vient à l'aide de son prédateur ça n'existe pas !

Si, si cela existe, je l'ai connue. De mémoire de vieilles dames on n'avait jamais vu cela. Interloquées, elles vont toutes deux s'asseoir sur le divan déformé par les trop vieux ressorts, transpirant d'angoisse et de fatigue d'avoir tant couru après ces deux animaux.

Alors Madame Tonnerre prend une grande décision.

– Puisque tu préfères les souris aux chats, Monsieur Chat, tu partiras de la maison avec ta compagne la souris bleue, et que je ne te revoie plus ici, annonce-t-elle, trop contente de se débarrasser de son chat trop indulgent et de cette horrible souris trop maligne.

Et voici Monsieur Chat et Mimi sur le seuil de la porte; gros matou encore étourdi par sa rencontre avec ce mur si dur, dans les bras de sa maîtresse.

Pas très rassurés, nos deux complices avancent sur la route, mais tout ce vacarme a ameuté toutes les souris du quartier, et bientôt il y a plus de cent souris dans la rue et Mimi de raconter leur mésaventure, riant de bon coeur en se tenant les côtes.

Depuis ce jour Monsieur Chat est devenu le protecteur de toute la famille souris du quartier, et la petite souris bleue est maintenant très appréciée pour son courage, mais aussi pour son magnifique pelage de la couleur du ciel.

Tous les soirs, si l'on tend bien l'oreille, on peut entendre les rires et les conversations de ces petits rongeurs de fromage et voir Monsieur Chat faire la toilette à toute la lignée avant de les prendre entre ses pattes et rêver au jour où plus jamais les chats ne seront dressés à faire des souris leur repas favori !



Les 3 chats

Par Alain Gaussel

Il y avait une fois, trois chats : un chat noir, un chat blanc et un chat gris.

Le chat blanc était tout blanc et il voulait être noir!
Le chat noir était tout noir et il voulait être blanc!
Le chat gris était tout gris et il était très content d'être tout gris!

Quand le chat blanc voyait quelque chose de noir, il se roulait dedans dans l'espoir de devenir noir. Il se roulait dans la terre noire, il se roulait dans le charbon, il se roulait même dans le caca quand le caca était tout noir!

Quand le chat noir voyait quelque chose de blanc, il se roulait dedans dans l'espoir de devenir blanc. Il se roulait dans le sucre, il se roulait dans la farine, il se roulait même dans le caca quand le caca était tout blanc, mais ça n'arrivait pas souvent!

A force de se rouler dans le noir, le chat blanc est devenu gris!
A force de se rouler dans le blanc, le chat noir est devenu gris!

Et il y a eu trois chats gris :un chat gris pas du tout content d'être gris, parce qu'avant il était blanc et il voulait être noir; un chat gris pas du tout content d'être gris parce qu'avant il était noir et il voulait être blanc et un chat gris qui avait toujours était tout gris et très content d'être tout gris!

A ton avis, lequel de ces trois chats est le plus intelligent? ... Moi, je crois que c'est le gris.

De toute façon, il a plu! Le chat blanc est redevenu blanc, le chat noir est redevenu noir, et le chat gris était toujours tout gris!

Ils étaient très content d'être comme avant! Et surtout ils ont été très content de s'être rencontré dans mon histoire et de s'être fait de bon amis : du chat blanc et du chat noir, du chat noir et du chat gris!

Parce que l'important dans la vie, ce n'est pas d'être blanc ou noir ou gris, mais d'être comme on est et d'avoir de bons amis!


Le Chat et la Hulotte

Par Daniel Déjardin

Conte dédié à Bagheera, le plus gentil chat noir du monde, qui a aimé et accompagné ses maîtres pendant près de quinze ans.

Dou, le chat tigré, avait remarqué que, sous un arbre de son terrain de chasse, se trouvaient toujours de drôles petites pelotes nauséabondes, faites de petits os et de poils agglomérés.

Les chats n'aiment pas la saleté ni les mauvaises odeurs, alors, quand Dou passait par là, avec sa patte de chat, il prenait toujours la peine de recouvrir d'herbes et de terre ces bizarres petites boulettes.

Mais cela l'énervait !

Quand on est chat, on ne peut pas comprendre le manque d'hygiène, aussi Dou prit-il la décision de se mettre en faction dès le soir afin de dire son fait au malpropre individu.


Hou, la hulotte des bois, avait choisi un beau terrier abandonné pour faire son nid, et un bel érable plane comme poste de guet.

Grâce à ses grands yeux de chouette, elle pouvait percevoir dans le noir de la nuit le moindre mouvement de campagnol ou de musaraigne, et pour rien au monde n'aurait abandonné cet excellent terrain de chasse.

Quand vint le crépuscule de ce beau jour d'été, Hou, en se dandinant, sortit de son terrier et s'envola vers son arbre favori.
Elle s'installa confortablement sur sa branche préférée, rejeta comme tous les soirs la petite pelotte de son repas de la veille et commença sa chasse à l'affût.

- Miaouuu, maintenant je sais qui est le dégoûtant personnage qui souille la terre avec ses excréments, sans se donner la peine de les recouvrir.

- Houou hou, quel est ce donneur de leçon qui vient m'importuner ?

- Je suis Dou, le chat tigré, propriétaire de ce terrain !

- La nuit tous les chats sont gris ! Moi, je suis Hou, la hulotte, et cette chasse m'appartient !

- Les campagnols et les musaraignes de ce pré sont à moi !

- Le gibier appartient à celui qui sait le capturer.

- Tu es bien arrogante, la hulotte. Prends garde que je ne te vole dans les plumes.

- On dit les chats voleurs mais j'aimerais bien te voir voler.

- Pour me voir la nuit, il faudrait pour le moins que tu aies des yeux de chat, miaouuuuu ...

- Mais j'y vois la nuit tout aussi bien que toi. Ne sais-tu pas qu'on m'appelle chat-huant ? Hououououououh ...

- Je te propose un challenge, vieille chouette ébouriffée, pour savoir qui, de nous deux, voit le mieux. Le perdant devra céder et la place et la chasse.

- Je relève le défi, vieux matou hérissé, je suis triste pour toi qui vas perdre à coup sûr.

- Commençons sur le champ. Le premier de nous deux qui, pour prouver sa bonne vue, réussira à capturer un insecte, aura gagné sans conteste. Une, deux trois !

Et Dou bondit dans l'herbe du pré. De ses deux pattes avant, il immobilisa une sauterelle qui n'avait que le tort de n'être pas encore au lit.

- Je crois que j'ai gagné, la hulotte !

- ...

- Tu ne me réponds pas ?

- ...

- Reconnais ta défaite !

- Je ne reconnais rien car tu n'as pas gagné. Si je ne parlais pas c'est que j'avais la bouche pleine d'un onctueux papillon de nuit. Miam... Humm... Match nul dirait-on !

- Match nul accordé. Que me proposes-tu comme seconde épreuve ?

- Tout d'abord que nous partions d'une stricte égalité. Monte jusqu'à cette branche, si toutefois tu le peux.

- Je monte tout de suite.

- Pas de mauvaises intentions ! Dis-toi bien que mes griffes sont aussi pointues que les tiennes et mon bec aussi tranchant que tes dents.

- Nous avons un accord, je le respecterai.

Côte à côte, sur la même branche, l'un assis l'autre debout, nos deux loyaux ennemis se mirent à scruter la nuit de leurs yeux phosphorescents.

- Miaou, dit le chat, je vois quelque chose !

- Hou... hou...

- C'est à toi de dire où, sinon tu as perdu.

- Hou.

- Près du terrier là-bas, ce gros rat...

- Jouih...

- Tu entends mais tu ne vois pas !

- Hou... mes petits sont au nid dans ce terrier, ils ne savent pas encore voler, ce rat va me les tuer !

- Si tu acceptes ta défaite, je vais te les sauver.

- Kourwitt.

- J'y cours.


Le chat tigré, avec un cœur de lion, descend en voltige du bel érable plane et se rue vers l'indésirable rat. Un cri de guerre, deux crachats et trois coups de patte assurent à notre chat chasseur une double victoire.

Hou, soulagée, plane de l'érable au terrier pour remercier Dou, le valeureux guerrier :

- C'est très chouette ce que tu as fait pour moi ! Comment te remercier ?

- Nous avons un accord, il reste à l'appliquer...

- Ne bouge pas !

- Je n'ai pas à bouger puisque selon nos conventions, je demeure le seul maître de ce terrain de chasse.

- Attention à toi ! Ne remue surtout pas, il y va de ta vie !

- Pourquoi cette menace ? N'as-tu pas de parole ? Je ne vois pas ce qui...

D'un coup de bec précis, le brave volatile coupa la conversation et saisit juste à temps une perfide vipère qui rampait vers le chat.

- C'est à moi maintenant de te remercier brave oiseau, tu m'as sauvé la vie. Je ne veux plus te chasser de ma chasse. Partageons !

- J'accepte le partage. Il y a dans le bois et le champ bien assez de gibier pour que nous n'ayons plus jamais à nous disputer.

- Et en plus du couvert, pour les jours de frimas, je t'offre de hanter la soupente du grenier de la ferme où je vis. Si un jour tu t'ennuies, tu n'auras qu'à chuinter, j'irai par les gouttières te rejoindre aussitôt et... nous jouerons à chat !



Le Père Noël et le petit chat

Michèle Joubert

La neige tombait sur la ville sans faire de bruit.
Le petit chat marchait dans la neige sans faire de bruit. Les flocons saupoudraient de blanc ses poils roux.
La rue était déserte.
C'était la nuit de Noël.
Bientôt les douze coups de minuit allaient sonner pour la plus belle nuit de l'année.

Mais le petit chat ne le savait pas. Il n'avait que trois mois et avait encore beaucoup de choses à apprendre. Surtout cette nuit où il faisait si froid et qu'il ne savait pas où se nicher pour dormir. Il était seul pour se débrouiller, si seul et si ignorant des astuces. Ce n'est pas comme ce gros matou gris de tout à l'heure qui l'avait chassé du coin chaud où il s'était blotti. Il en savait des choses, lui, mais alors quel sale égoïste ! Croyez-vous qu'il aurait partagé ce qu'il était en train de manger ?
"Va pleurnicher ailleurs" lui avait-il dit.

Aussi, le petit chat marchait seul dans la rue. Il avait faim, il avait froid. Et il regardait les fenêtres éclairées derrière lesquelles il devait faire bon vivre.
Entendit-il sonner les douze coups de minuit ?
Ca n'est pas sûr, mais par contre, il entendit parfaitement quelque chose passer au-dessus de lui, comme le vol d'un gros oiseau. Il s'aplatit au sol de frayeur; Quand il osa relever le museau, un drôle d'engin venait de se poser sur la maison d'en face.
Il n'avait jamais rien vu de pareil !

Et maintenant voilà qu'un gros bonhomme tout en rouge en sortait avec un sac sur le dos. Et devant le drôle d'engin, deux grands rennes se mettaient à parler au bonhomme tout en rouge :
- Fais attention Père Noël, disait l'un, la cheminée n'a pas l'air bien solide !
- Te mélanges pas dans ta liste, disait l'autre, ici c'est des rollers et une panoplie "Mulan".
- Mais oui, mais oui… Vous n'allez pas commencer à me surveiller quand même ! Vous savez bien que je ne me trompe jamais.

D'en bas, le petit chat ne pouvait pas voir si ce bonhomme avait une barbe blanche. Il lui trouva quand même une ressemblance avec le bonhomme en manteau rouge des images qu'il voyait partout dans la ville depuis quelques jours.
Mais que faisait-il donc là-haut ?

Pour en avoir le cœur net, il décida d'aller voir ça de plus près.
Oui, mais comment faire pour monter ?
En passant par les escaliers ?
C'est que le petit chat gardait le souvenir cuisant des méchants coups de pied qu'on lui donnait quand il voulait rentrer dans une maison !

Il fit donc le tour de l'immeuble, et finit par trouver un endroit pour grimper jusqu'au au premier étage. Ce ne fut pas très difficile.
Restaient deux autres étages et avec des pattes gelées, ce n'était pas évident !
Il lui fallut sept essais avant d'arriver en haut. Sept essais dont quatre moments d'équilibres acrobatiques, trois griffes arrachées, et un rétablissements miraculeux.
Mais ça y était, il était sur le toit, il allait savoir.

L'engin était toujours là. Les rennes bavardaient entre eux de choses que le petit chat tout essoufflé ne comprenait pas. Il était question d'une liste avec des noms de garçons et de filles, d'horaire à suivre, d'adresses, etc.

Le petit chat se dirigea sans bruit vers l'engin.
C'était plein de sacs dedans. Et plein de paquets aussi. Des gros, des très gros même, des plus petits, des minuscules. Tous avaient des couleurs joyeuses et scintillantes qui lui donnèrent envie de jouer avec. Il sauta hardiment dessus. Malheur ! Une petite musique se déclencha sous ses pattes. Le cœur battant, il s'enfuit au fond du traîneau où il trouva un sac à demi-ouvert pour se cacher.

C'était tout sombre dedans, mais il y faisait chaud et doux. Le petit chat sentit des poils contre lui. Il renifla pour comprendre si c'était un autre chat ou un de ces monstres de chien, mais comme ça ne sentait ni l'un ni l'autre et que ça ne bougeait pas, il se blottit tout contre, rassuré. Puis il attendit.

Dehors un renne parla :
- Ca doit être un appareil de musique qui s'est encore déclenché tout seul !
Puis la voix du vieux bonhomme à l'habit rouge retentit, sonore et joyeuse :
- Allons-y mes amis, au suivant de la liste !

Le petit chat sentit tout bouger autour de lui. Il eut la sensation de s'envoler puis quelques instants après, un coup de frein suivi d'un choc le déséquilibra. Son cœur tapait fort. Dehors, le vieux bonhomme riait :
- Ah ! Ah ! Ah ! Cette fois, la cheminée est large, je vais pouvoir descendre à l'aise !

Le petit chat commençait à sortir le museau dehors quand tout bascula brusquement. Secoué de droite et de gauche, il roula dans le sac, parmi les paquets qui l'écrasaient.

Une grande descente dans le vide lui remonta l'estomac dans le gosier. Il miaula fort. Une main l'attrapa par la peau du cou. Un grand rire résonna à ses oreilles.
- Mais qu'est-ce que je vois là ! Mais croyez-vous, ça !... Un passager clandestin !

Le bonhomme en habit rouge le tenait en l'air, en riant très fort. Ses yeux riaient autant que sa bouche.
- Tu as donc voulu savoir comment je m'y prend pour faire ma tournée ?
Mais le petit chat était effrayé. Et il avait si faim et si froid qu'il miaulait à s'en étrangler et qu'il tremblait à en claquer des dents.
- Dis-moi, dis-moi, tu n'as pas l'air si courageux que ça pour un petit curieux ! Il suffit qu'on te découvre pour que tu appelles maman au secours ? Allons, voyons je suis le Père Noël, tu n'as rien à craindre de moi. Bien sûr, je devrais te punir de m'avoir suivi, alors que personne ne doit accompagner le Père Noël pendant sa tournée, mais comme tu viens de me donner une très bonne idée, je ne dirai rien et je vais même te garder un petit moment avec moi.

Et le Père Noël le mit dans la grande poche de son manteau. C'était doux à l'intérieur, et c'était chaud. Le petit chat s'y trouva bien de suite.
Il ne savait pas encore qu'il allait vivre ce qui sera la nuit la plus extraordinaire de son existence. Ah, si seulement il n'avait pas cette faim atroce au ventre !

Il se redressa pour sortir le nez et pousser un petit miaulement de détresse. Peut-être que ce gentil bonhomme comprendra son problème.
- Veux-tu bien te taire, tu risques de réveiller les enfants ! Si tu veux m'accompagner, il faut rester silencieux. Aussi silencieux que la neige qui tombe.

Le bonhomme était en train de déposer des paquets auprès de deux paires de chaussons, tout petits, si petits qu'ils disparaissaient sous les paquets.
- Tu vois, ici c'est pour Mélanie ; elle a commandé un poney en peluche et une piscine magique. Là c'est pour Eric, il a demandé un "établi de moulage" et une "batmobile". Et regarde comme ils sont gentils tous les deux, ils ont laissé une tasse de lait et des biscuits pour moi. Ils savent que je suis un peu gourmand, tu comprends, et puis ça me redonne des forces. Hé ! Mais qu'est-ce que tu fais ?

Le petit chat faisait qu'il s'était jeté sur le lait et qu'il le lapait en s'étranglant tellement il allait vite.
De retour au traîneau, le Père Noël s'approcha des rennes avec un air mystérieux.
- Regardez qui va passer la nuit avec nous !
Il sortit de sa poche une petit boule de poils ébouriffés et aux babines barbouillées de lait.
- Il avait si faim, le pauvre chaton, que j'ai partagé mon goûter avec lui. Enfin, disons qu'il m'en a laissé quelques gouttes ! Allez les rennes, aux suivants.

Le petit chat garda les yeux écarquillés toute la nuit. Jamais il n'avait vu autant de belles choses, jamais il n'avait vu autant de couleurs scintillantes, jamais il n'avait vu autant de jouets, et jamais il n'avait crû que quelqu'un pouvait avoir autant de joie à déposer dans les maisons toutes ces merveilles.

A la fin de sa tournée, le Père Noël rentra dans une demeure où brillait une lampe de chevet dans une chambre. Des pantoufles de grand-mère attendaient près du lit.
- Tu vois, ici habite une gentille mamy qui m'a écrit pour me demander un cadeau. Elle voudrait quelque chose qui puisse la distraire pendant ses longs jours solitaires, et qui en même temps attirerait ses petits enfants pour qu'elle les voit plus souvent. Alors j'ai pensé à toi. Tu seras heureux ici, regarde comme tout est accueillant. Tu seras bien au chaud et je suis sûr que tu te régaleras : les grand-mères savent si bien faire la cuisine ! Mais chut ne dis à personne que tu m'a accompagné cette nuit.

Il déposa doucement le petit chat dans une pantoufle, lui fit un gros bisou, et attendit qu'il s'endormit, le museau niché dans les pattes, le cœur à jamais étoilé de cette merveilleuse nuit de Noël.



Le Moulin du Chat

Conte de LETTONIE
par Karlis SKALBE
traduction de Inta GEILE
et Jean-Pierre MOREAU

Un vieillard dans un manteau de fourrure nue sortit du jardin givré et regarda derrière lui à travers des pommiers auprès desquels, par-dessus le rose du crépuscule, des paillettes de glace légères tressaillaient comme le feu quand il couve sous les cendres. L'épaisse rougeur du soleil couchant lui tomba au visage.

C'était le visage d'un vieux furieux. Ses moustaches et sa barbe ressemblaient à de longues franges d'argent, pleines de grains de glace verts et bleus auxquels le soir ajoutait des rouges. C'était Vieux Froid, le maître banni, qui avait donné trop tôt sa maison à son fils. Il ne venait que pendant les grands froids, quand toutes les branches étaient ciselées dans la glace légère, et que le couchant, rouge comme l'éclat de la colère, cherchait sous les pommiers et devant la maison, le long des coins, son visage cramoisi.

Le vieux sursaute, sa houppe blanche de cheveux gelés s'ébouriffe et il donne un coup de hache au coin du grenier.

"Ah, ah", s'écrie le rondin, et son coeur se brise. il est fendu ! Il se déchire, gémit comme une corde de kokle*, et le chat s'arrête sur le sentier qui le mène de la maison à la grange où se trouve le grenier et, levant une patte, il écoute.

"Ah, le vieux père du maître regimbe", se dit le chat lorsqu'il aperçoit Grand Froid qui s'en va en regardant derrière lui, une hache sur l'épaule. Et les pommiers, comme effrayés, se tiennent si douchement et sont si muets que nulle branche n'ose respirer.

- Il faut que j'aille au grenier, se dit le chat.

La maîtresse gronde :
- chat, ne dort pas ! Vas-y, regarde ce que font les souris au grenier.

- Afin de ne pas subir une grande honte, il faudra que j'aille, se dit le chat.

Il lève une patte, il fait froid, il en lève une autre, il fait froid.

Après avoir dételé leurs chevaux, des bûcherons viennent à la maison, et se frottent leurs grosses mains que protègent des moufles ornés de croix.

- Va aux souris ! Ne traîne pas dans nos jambes.

Le chat s'écarte du sentier et s'assied dans la neige.
- Aller aux souris, par un temps pareil, quand on n'a ni mitaines, ni chaussettes !
Et il tâche de glisser silencieusement dans la trace laissée par les bûcherons. Quand la porte va se refermer après la dernière chaussure gelée, le chat entre dans la chaumière et se roule en pelote mollement, doucement, près de la porte.

Tandis que les bûcherons tapent des pieds, le chat est déjà assis sur le poêle. - Dis-moi, à quoi te servent tes pattes ? demande un grain de sel rouge resté là dès l'automne, lorsqu'on avait salé la viande, et qui dort sans bouger sur le poêle depuis la première neige. Cela ne fait pas longtemps que tu as couru dehors et maintenant tu te rapproches de mes côtes. Tiens, moi, ma tête me suffit, parce que je suis le sel de la terre.
- Et qu'est-ce qui peut déranger des torchons derrière le poêle, disent les torchons qui sèchent sur la ficelle. On travaille pendant la journée, et quand la table et la vaisselle sont essuyées, on se chauffe derrière le poêle jusqu'au matin. A Dieu ne plaise si un vagabond t'enroule autour de son pied et te traîne dehors par un temps pareil.
- J'aime fermer les yeux en hiver, chante une théière blanche sur le poêle, et elle souffle de la vapeur à travers ses narines. J'aime fermer les yeux et rêver. Je vois un pays où fleurit le théier et je vois l'habit bleu d'un roi où serpentent des dragons d'or. Je vois le vent de l'été les faire flotter. Le roi va à travers le jardin vers sa tonnelle d'albâtre. Là, douze dames l'attendent, douze roses-thé aux yeux obliques, ivres de rêves. Tous boivent du thé dans de petites tasses de porcelaine, sur lesquelles sont peintes de petites dames aux yeux obliques d'un or brun qui ne voient que des légendes. Puis le roi fait venir son conteur et lui fait dire des histoires de dragons et de héros. Et alors, quand le dragon à douze têtes enterre le héros dans le sable jusqu'à la poitrine, les douze dames cachent leur tête noire dans leurs petites mains jaunes, prennent une teinte pourpre et tressaillent jusqu'à ce que le héros coupe les douze têtes du dragon. Je pourrais dire beaucoup de contes, mais tous viennent de Chine. Chat, raconte-nous une histoire à ton tour!

Le chat fait le dos rond, se couche sur ses pattes gelées, ferme les yeux et réfléchit.
- Chat, chat, dis un conte, demande le petit Gigis en approchant sa joue de la nuque tremblante de l'animal.

Quand Gigis est assis à côté de lui sur le poêle, le chat commence:

Il était une fois, un chat qui avait un moulin. Il travaillait jour et nuit : miaou, miaou, miaou. On y moulait des noix et des amandes. C'était le bon vieux temps. Des houblons le long du mur étaient légèrement couverts de farine ; leurs vrilles tressaillaient éternellement au bruit du moulin. A travers la vieille vitre verte de la fenêtre, des nains regardaient si des clients arrivaient. Le meunier, lui, en manteau de fourrure blanc, allait et comptait les sacs: les sacs de noix et d'amandes. Le soir, dans toutes les fenêtres, des feux d'or brillaient. Le moulin bourdonnait, l'eau chantait et les filles du chat dansaient avec les jeunes voisins. Elles avaient de longs yeux d'or et leurs griffes étaient bien cachées dans leurs petites pattes roses. La plus grande joie éclatait à Noël. Alors, il y avait au moulin un sapin vert orné de noix d'or et de bougies étincelantes. Les nains étaient assis dans un coin, auprès des sacs de farine. Ils tenaient doucement dans leurs mains calleuses des pipes blanches en terre et, hochant la tête, ils disaient : "Oui, c'est quelque chose". Et quand une petite aiguille du sapin s'enflammait en crépitant, et qu'une volute bleue et duveteuse montait en portant un parfum doux comme un souvenir d'été, ils essuyaient doucement leurs yeux. C'étaient des petits bonshommes, et tout les touchait au coeur.

Mais ce temps passa... Des prétendants vinrent chez les filles de notre chat qui voulait leur donner une grande dot. Il mit son moulin en gage à Matou Noir qui était bien riche et gardait le coffre du diable dans la cave d'un palais. Quand le chat eut marié toutes ses filles, il ne lui resta du moulin que son manteau blanc de meunier. Matou Noir vint avec le contrat de dettes et prit en gage la meule de noix et la meule d'amandes. Le chat ne pouvait pas payer la dette et Matou Noir prit le moulin. Cette nuit-là, il revint de la cave du palais avec le coffre que portaient six diables aux yeux écarquillés. C'était tellement lourd ! Les bonshommes, les nains effrayés, se cachèrent dans de vieux terriers de souris et d'hermines, en jetant leurs sabots dans l'escalier. Mais la nuit dans le moulin il y eut un festin. Les diables dansèrent avec les sorcières et le matin, les houblons étaient pendus et brûlés. Les sorcières, en s'envolant, les avaient enflammés de leur haleine brûlante. Le moulin maintenant avait l'air peu aimable. L'eau grondait, sourde et sombre, sous les deux ponts, et tous les gens honnêtes l'évitaient par un chemin détourné.

Le chat passa cette nuit dans un tas de foin. Le matin, en se lavant le visage, il se demanda où aller.
- Est-ce que je suis sans parents ?

Il fit le dos rond.
- Même les pierres se réunissent quand le torrent les emporte. J'irai chez mes parents. Et le chat se dirigea vers leur domaine. Son gendre y était le maître de la cave. Par la fenêtre qui était envahie d'épaisses feuilles de bardane, le chat descendit dans la cave. Que de lait et de crème il y avait ! Le maître de la cave, lui, dans un tablier blanc, surveillait les pots à lait. La fille de notre chat avait aussi un tablier et elle l'aidait. Là où le maître de la cave mettait sa patte, elle mettait sa langue rouge. Ils avaient beaucoup de travail et ils allaient bien. Mais ils étaient si heureux qu'ils n'avaient besoin de personne. La fille reçut son père. Elle lui servit de la crème fraîche sur une feuille de bardane, s'assit près de lui, le poussa à manger et lui demanda comment il allait à la maison. Quand il eut raconté que Matou Noir avait pris le moulin, elle versa quelques larmes sur le logis heureux autour duquel tournaient, comme des houblons verts, ses souvenirs d'enfance. Mais le maître de la cave devint pensif et dit que le meunier pourrait épargner une somme d'argent pour ses vieux jours. Où ira-t-il maintenant ? Qu'il ne compte pas sur eux. Ils doivent penser aux enfants. (La femme du maître de la cave rougit et cacha son visage dans son tablier.) Ils ne voulaient pas mettre au monde des mendiants. Alors il y eut un silence, et notre chat s'étonna qu'ils eurent tout dit si vite. Ils n'avaient plus rien à dire, et le chat comprit qu'il devait partir. Il dit qu'il voudrait visiter encore d'autres parents. Maintenant, il avait le temps, il pouvait se promener.

- Oui, le temps est beau, on peut se promener et garder ses pattes blanches, ajouta le maître de la cave.

Le maître et sa femme devinrent joyeux et raccompagnèrent sincèrement le chat par la fenêtre. Et, quand en s'en allant il s'en retourna, il vit derrière les fenêtres vertes de bardane leurs museaux blancs et heureux.

Oui, la route était bien sèche et propre comme un tissu blanchi ; des dents-de-lion rayonnaient comme des soleils au bord de la route, mais les pattes du chat étaient très lourdes.
- Où aller ?
Une patte en l'air, il s'arrêta sur une passerelle près d'un pâturage du domaine et se mit à réfléchir.

Les bêtes rentraient par là à la maison. Une vache rousse qui mugissait le fit tomber de la passerelle en lui donnant un coup de cornes, et le troupeau aurait pu l'écraser car les bêtes couraient en chancelant vers les auges pleines, les fleurs et les herbes cueillies à la hâte pendaient encore hors de leurs bouches. Mais le chat fit la culbute et s'écarta de la route. Là, un gros chien noir qui allait derrière les bêtes l'aperçut, il était excité, furieux ; il tirait une langue longue et rouge. Ses yeux reluisaient comme deux guêpes rousses. En hurlant, il se jeta sur le chat et celui-ci retira tout juste sa patte de ses dents. Il tomba à plat ventre et le chien furieux passa en coup de vent et partit dans l'avoine. Alors le chat prit la fuite. Effrayé, il ne voyait pas que le sang coulait de son pied blessé, mais quand il fut derrière la colline en sécurité, il ne pouvait déjà plus marcher. C'est en souffrant qu'il arriva à la vieille briquetterie ; là, sa fille était mariée à l'inspecteur des chats.

Sur la route, devant la maison, trois gamins jouaient à la balle. Ils laissèrent la balle qui les ennuyait, et se jetèrent sur le chat qui traînait à côté. L'un lui tira l'oreille et demanda s'il n'avait pas de l'argent. L'autre dit qu'il voudrait voir s'il savait nager et le jeta dans un étang. Ils regardèrent comment son petit museau glissait dans l'eau verte vers l'autre bord. Et quand le chat, long et gris comme écartelé, sortit de l'eau sale en chancelant et se coucha sur l'herbe, le troisième gamin le devança et dit qu'il voudrait voir s'il savait tomber comme un chat. Il le saisit, le monta par l'escalier au fenil et le jeta par la fenêtre. Le chat se retourna en l'air et tomba dans une fosse à purin. Les gamins commencèrent à attraper les jeunes hirondelles qui étaient perchées sur le bout des chevrons et étaient encore très confiantes et maladroites. Le chat grimpa hors de la fosse et se traîna dans des orties. Son manteau de fourrure blanc était abîmé et personne ne pouvait deviner que jadis il était meunier. Quand la femme de l'inspecteur le vit entrer dans sa cour, elle le prit pour un mendiant et ferma la porte à clé. L'inspecteur cria que parmi les chats la vertu disparaissait.
- Pas un seul jour ne passe sans qu'un fainéant quelconque n'entre dans la cour.
C'était un inspecteur sévère, et, après son passage, tous les matous voisins hurlaient et léchaient leurs plaies des semaines durant. Notre chat avait beau frapper à sa porte, celle-ci restait fermée.

Maintenant il se demandait de nouveau où il pouvait aller. Mais tous ces parents étaient riches et il avait donné une grande dot à toutes ses filles. S'il avait eu un seul parent aussi pauvre et malheureux que lui ! Celui-ci aurait eu pitié de lui. Mais le riche aide le riche et le pauvre chat ne trouvait pas d'abri. Chacun gardait sa paix et son bonheur et on ne le laissait pas y entrer. Et comme le chat n'avait pas un seul pauvre parmi ses parents, il ne lui resta qu'à partir dans le vaste monde.

Le chat erra tout l'été, les chiens le chassaient, les chats le griffaient et les gamins lui jetaient des pierres. L'automne, quand les esprits des morts comme des poignées de lin affamées allaient le long des champs pâles, le chat avait l'air de sortir de la sombre cour des esprits des morts où on ne donne à manger que des galettes de sable. Il allait d'un village à l'autre et était heureux si la nuit, devant une porte, il réussissait à trouver une croûte de pain ou une pelure de pomme de terre, alors que le chien en mettant son museau entre ses pattes dormait sous la porte. Il avait traversé ainsi la moitié du royaume. Quand les rivières et les lacs gelèrent, et que derrière les forêts dormirent les nuages blancs de l'hiver, sous les nuages il aperçut des toits bleus. C'était la ville du roi.

Le soir le chat entra dans la ville. Sur la colline derrière des arbres blancs se trouvait le palais du roi. On ne voyait pas de lumière aux fenêtres. Et les arbres couverts de givre comme des morts blancs se miraient dans des vitres grandes et sombres. Seul, dans une fenêtre brûlait le feu rouge du foyer. Le chat s'assit au-dessous d'elle, sur l'escalier de la cuisine, pour chauffer ses pattes.
- Qui est-ce ? par la porte se pencha la tête d'un vieillard coiffée d'un chapeau blanc. (C'était le cuisinier du palais). Tiens, un chat ! Et bien, entre, entre ! invita le vieillard. Notre vieux matou a étouffé dans les cendres la nuit passée et nous avons besoin d'un autre chat. Ce n'est rien que tu aies l'air ratatiné. Tu vas te remettre. Ici, tu n'auras pas à chercher ton pain, encouragea le cuisinier, tandis que le chat piétinait craintivement sur place, un regard plaintif dans les yeux.
Comment un chat si pauvre pourrait-il entrer dans le palais ? Il n'a ni habits, ni honneur... Mais c'était au cuisinier de décider. Et le roi n'envoya au chat ni habits ni valets. Le cuisinier le prit dans ses bras et l'emporta dans la cuisine.

Alors le chat eut le bonheur. Tout à fait brusquement il arriva aux honneurs. Comme chat de la cour royale, il lapait du lait tant qu'il voulait et retrouva très vite son manteau de fourrure blanc de meunier. Dans un coin, derrière du bois de chauffage, il y avait un vieux morceau de tapis aux couleurs passées sur lequel étaient tissés une maison avec des volets bleus et un rosier vert qui entrait dans la fenêtre ouverte par ses boutons grands et dépliés. Là, notre chat s'asseyait et ronronnait comme un moulin blanc. Il était meunier et ne pouvait pas vivre sans "mouliner"**.

Le soir quand on éteignait le feu dans le foyer, le chat s'enfonçait jusqu'au nez dans les cendres. Mais il laissait poindre le bout du nez pour éviter le sort du vieux chat qui, se sentant si à l'aise, avait étouffé. Le chat fermait un oeil, puis l'autre, et regardait les grandes étoiles qui tressaillaient dans la fenêtre bleue au-dessus des cimes blanches des arbres.

Après le souper, quand le cuisinier, les servantes et le garçon de cuisine s'asseyaient auprès du feu rouge avec les visages fatigués et roses, notre chat, en faisant le dos rond, "moulinait" et racontait les histoires de son moulin.

La petite princesse Ilze, qui avait froid dans les salles glacées et obscures, entrait à la dérobée dans la cuisine, s'asseyait sur le tabouret, caressait le chat et écoutait. Et dans la lumière du foyer brillaient ses joues rondes et ses boucles longues et rousses. Mais le roi malade ne pouvait pas rester seul longtemps. Il envoyait le valet la chercher, et la petite Ilze devait se lever du tabouret et retourner dans les salles froides et obscures du palais où on n'allumait pas le feu le soir. Et là, elle devait s'asseoir sur le haut trône d'or. C'était tellement triste. Depuis la mort de la reine, sur les murs des salles se miraient encore doucement et secrètement des grands lustres d'or, on n'allumait plus les feux. Les valets allaient et venaient sans bruit, comme des ombres, sur tout le palais royal régnait un deuil pareil à une maladie. Il y avait longtemps que les aiguilles du sapin funèbre étaient balayées de l'escalier, mais leur parfun restait dans l'âme du roi.

Cela dura jusqu'à ce que la couronne d'or sur sa tête commença à rouiller de chagrin.
Cette crise l'a atteint après la mort de la reine. Il l'avait déjà oubliée et pleurait maintenant de tout ce que souffraient les hommes, les bêtes et les animaux dans le monde. Il pleurait sur le héros, dans la poitrine duquel rouillait le bout du javelot de l'ennemi, sur la grive qui souffrait dans le lacet du berger et même sur le scarabée écrasé sur la route par les pieds d'un enfant innocent. C'était un roi vraiment très étrange. Toutes les douleurs qui arrivaient au monde perçaient son coeur comme des flèches. Il se courbait dans son siège, en serrant de ses mains sa poitrine. Les médecins habiles de la cour lui conseillaient de ferrer son coeur dans des cercles d'or, pour qu'il ne tremble pas à la rencontre du moindre soupir. Mais le roi n'obéissait pas. Les soupirs des malheureux qui erraient à travers les temps et les lointains lui étaient chers. Il les chauffait près de son coeur comme des enfants qui souffrent du froid et qui se serrent contre sa poitrine avec leurs mains gelées.

Est-ce que des gens du palais donnent libre cours à un tel coeur ? Le roi avait déjà donné la moitié de son royaume à divers miséreux. Et le malheur en était-il diminué ? De même les soupirs s'accumulaient autour de lui comme s'accumulent de lourdes gouttes de rosée à des branches penchées sous la brume, et nul vent ne peut les arracher.
- Mieux vaudrait que les biens de l'Etat nous restent, pensaient les gens de la cour, on ne peut pas satisfaire tout le monde. Et ils prirent soin de préserver le roi des misères de la vie. Il passait le jour derrière les rideaux fermés, la nuit dans la lueur blème des étoiles. Chaque soir le ministre annonçait que tout était bien, et aucun écho méchant ne touchait les oreilles du roi. Mais sa maladie était incurable. Quand la vie s'écarta de lui, il pleurait sur ce qui s'était passé autrefois, sur ce que décrivaient les vieilles chroniques. Sur les destins qui n'avaient pas laissé plus de souvenirs qu'une fleur oubliée laisse de parfum dans un vieux livre, sur ceux qui n'avaient pas laissé plus de traces que des vagues dans le sable, sur ceux dont les pas s'effaçaient l'un après l'autre.

Et le grand livre, que le roi tenait le soir sur ses genoux et qu'il lisait dans la lueur d'une étincelle tremblante, était-il comme ceux des autres ? Son livre était un cimetière habillé de vert-de-gris où les destins tristes étaient enterrés. C'était un bois sombre où la nuit, les os des morts pleuraient. C'était un champ de deuil, où chaque épi portait son grain funèbre au grand coffre à blé de Dieu. C'était un champ dans la brume sans fin où un râle gémissait dans le crépuscule. Etait-ce bien des lignes et des lettres ? C'étaient de petits sillons sombres par lesquels le râle marchait le soir, en pleurant de solitude sous les soupirs de la brume, les sillons par lesquels coulaient les larmes du roi.

Le roi était seul avec sa fille, la petite princesse Ilze. Et son seul bonheur était de regarder ces yeux d'enfant qui ne connaissaient pas encore la douleur. Quand elle n'était pas là, il devenait inquiet et envoyait quelqu'un la chercher. Mais la petite Ilze avait froid dans le chagrin du père ; elle était pâle comme ces fleurs qui poussent dans les vieilles forêts sous les barbes blanches des pins ; elle disparaissait souvent dans la cuisine pour chauffer sa petite âme parmi les gens sains où crépitait un grand feu rouge, là où le chat "moulinait" et parlait de son moulin. Et le roi demanda d'amener le chat auprès de lui, car il voulait entendre ce qu'il racontait.

La petite Ilze prit le meunier dans ses bras, l'apporta dans la salle et le mit aux pieds du roi. Le chat regarda le roi malade, en clignant de l'oeil, il se coucha sur ses pattes et commença à raconter qu'il avait un moulin, que Matou Noir le lui avait pris, que ses filles l'avaient chassé et que les gamins l'avaient torturé. Et de tout cela, il se souvenait sans haine, ni douleur. Le roi l'écoutait et s'étonnait de ce qu'on pouvait parler si facilement de douleur et les larmes lui montaient doucement aux yeux comme une joie d'hiver chaude et bleuâtre qui se lève du jardin couvert de neige et caresse tendrement le front. Oui, oui, il n'avait pas encore su que la douleur pouvait voler aussi légèrement et se disperser comme des flocons blancs de neige qui couvrent la boue du sol tourmenté. Sa douleur avait été amère, elle lui avait rendu la vie sombre et amère, elle avait éteint les lustres dans les salles et le soleil dans le ciel. La douleur avait tant d'épines et chaque épine trouvait son coeur, mais à présent il avait des ailes de fleurs légères et blanches. Et il pouvait pleurer et sourire comme sourit la neige par-dessus la terre boueuse.

Quand le chat eut fini son histore, le roi le prit sur ses genoux et lui demanda :
- Dis-moi, qu'est-ce que je dois faire à Matou Noir ?
- Ô, mon roi, je ne me rappelle pas le mal, répondit le chat.
- Et que dois-je faire à tes filles ingrates ?
- Ne leur fais que du bien. Quand j'errais dans le monde comme un mendiant, il y avait assez de douleur. A quoi bon augmenter la douleur ? Mieux vaut que grandisse la joie.
- Tu as raison, mon chat, dit le roi pensivement. Une fois j'ai voulu pendre un brigand, mais cela faisait mal à sa mère. Et la peine de sa mère faisait mal à sa fille et la douleur de la fille faisait mal à son jardin : les fleurs fânaient et les pommiers faisaient tomber des fruits verts, parce que la fille, désespérée, avait oublié de les arroser quand ils étaient en fleur. Alors j'ai pardonné au brigand car je n'ai pas voulu augmenter les douleurs dans le monde.
- Que dois-je faire à ces gamins qui t'avaient si crullement torturé ? demanda le roi.
- Eh, mon roi, je ne me rappelle pas le mal. Ces petits bonshommes sont si curieux. Ils ne connaissent pas encore la douleur. Ils veulent voir la douleur et sont heureux quand le chat souffre. Bientôt la vie blessera leurs jeunes âmes, ils connaîtront la douleur. Alors, nous deviendrons de bons amis.

Le roi se leva de son siège et fit allumer ses lustres d'or. Ils se reflétaient l'un après l'autre dans les miroirs verts et jetaient les feuilles claires de leurs flammes dans les yeux et le visage du roi et de la petite princesse Ilze quand ces derniers, comme soulevés par une douce vague, passèrent par les salles du palais qui s'allumaient en mille feux de joie.
- Mais il faut que tu regagnes le moulin. Tu es meunier, et moi, je ne peux pas inventer un autre métier qui te conviendra mieux, dit le roi au chat.

Et cela se passa ainsi. Le chat reprit son moulin. Les diables entraînèrent Matou Noir avec son coffre d'argent dans la mare, parce que la vie dans le moulin leur devenait incertaine. Et le chat dans son manteau de fourrure blanc habita de nouveau dans son moulin. Et comme par le passé, on moulut les noix et les amandes : miaou, miaou, miaou...

Quand au roi, il guérit, une vie nouvelle commença au palais.

* instrument de musique traditionnel letton
** en letton mouliner = ronronner

Baba Yaga

Conte Traditionnel Russe

Dans un village de la campagne russe vivait une petite fille qui n'avait plus de maman. Son père, qui était déjà assez vieux, se remaria, mais il ne sut pas bien choisir. Sa nouvelle femme était méchante, c'était une marâtre. Elle détestait la petite fille et la traitait mal.
-" Comment faire pour me débarrasser de cette enfant ?" songeait la marâtre.

Un jour que son mari s'était rendu au marché vendre du blé, elle dit à la petite fille :
-" Va chez ma soeur, ta gentille tante et demande-lui une aiguille et du fil pour te coudre une chemise."

La petite fille mit son joli fichu rouge et partit. En route, comme elle était maligne, elle se dit :
-" J'irai d'abord demander conseil à ma vraie gentille tante, la soeur de ma vraie maman."

Sa tante la reçut avec beaucoup de plaisir.
-" Tante, dit la petite fille, la nouvelle femme de papa m'a envoyée chez sa soeur lui demander une aiguille et du fil pour me coudre une chemise. Mais d'abord, je suis venue te demander, à toi, un bon conseil."
-" Tu as eu raison. La soeur de ta marâtre n'est autre que Baba-Yaga, la cruelle ogresse ! Mais écoute-moi :
il y a chez Baba-Yaga un bouleau qui voudra te fouetter les yeux avec ses branches, noue un ruban autour de son tronc.
Tu verras une grosse barrière qui grince et qui voudra se refermer toute seule, mets de l'huile sur ses gonds.
Des chiens voudront te dévorer, jette-leur du pain.
Enfin, tu verras un chat qui te crèverait les yeux, donne-lui un bout de jambon."
-" Merci bien, ma tante", répondit la petite fille.

Elle marcha longtemps puis arriva enfin à la maison de Baba-Yaga.

Baba-Yaga était en train de tisser.
-" Bonjour ma tante."
-" Bonjour, ma nièce."
-" Ma mère m'envoie te demander une aiguille et du fil pour qu'elle me couse une chemise."
-" Bon, je m'en vais te chercher une aiguille bien droite et du fil bien blanc. En attendant assieds-toi à ma place et tisse."

La petite fille se mit au métier. Elle était bien contente. Soudain, elle entendit Baba-Yaga dire à sa servante dans la cour :
-" Chauffe le bain et lave ma nièce soigneusement. Je veux la manger au dîner."

La petite fille trembla de peur. Elle vit la servante entrer et apporter des bûches et des fagots et de pleins seaux d'eau. Alors elle fit un grand effort pour prendre une voix aimable et gaie et elle dit à la servante :
-" Eh ! ma bonne, fends moins de bois et pour apporter l'eau, sers-toi plutôt d'une passoire !"
Et elle donna son joli fichu rouge à la servante.

La petite fille regardait autour d'elle de tous les côtés. Le feu commençait à flamber dans la cheminée. Il avait beau être un feu d'ogresse, sa flamme était vive et claire. Et l'eau commençait à chanter dans le chaudron, et bien que ce fût une eau d'ogresse, elle chantait une jolie chanson.

Mais Baba-Yaga s'impatientait. De la cour, elle demanda :
-" Tu tisses, ma nièce ? Tu tisses, ma chérie ?"
-" Je tisse, ma tante, je tisse."

Sans faire de bruit, la petite fille se lève, va à la porte. Mais le chat est là, maigre, noir, effrayant ! De ses yeux verts, il regarde les yeux bleus de la petite fille. Et déjà il sort ses griffes pour les lui crever. Mais elle lui donne un morceau de jambon cru et lui demande doucement :
-" Dis-moi, je t'en prie, comment je peux échapper à Baba-Yaga ?"

Le chat mange d'abord tout le morceau de jambon, puis il lisse ses moustaches et répond :
-" Prends ce peigne et cette serviette, et sauve-toi. Baba-Yaga va te poursuivre en courant. Colle l'oreille contre la terre. Si tu l'entends approcher, jette la serviette, et tu verras ! Si elle te poursuit toujours, colle encore l'oreille contre la terre, et quand tu l'entendras sur la route, jette le peigne et tu verras !"

La petite fille remercia le chat, prit la serviette et le peigne et s'enfuit. Mais à peine hors de la maison, elle vit deux chiens encore plus maigres que le chat, tout prêts à la dévorer. Elle leur jeta du pain tendre et ils ne lui firent aucun mal.
Ensuite, c'est la grosse barrière qui grinça et qui voulut se refermer pour l'empêcher de sortir de l'enclos. Mais comme sa tante le lui avait dit, elle lui versa toute une burette d'huile sur les gonds et la barrière s'ouvrit largement pour la laisser passer.
Sur le chemin, le bouleau siffla et s'agita pour lui fouetter les yeux. Mais elle noua un ruban rouge à son tronc, et voilà que le bouleau la salua et lui montra le chemin.
Elle courut, elle courut, elle courut.

Pendant ce temps, le chat s'était mis à tisser. De la cour, Baba-Yaga demanda encore une fois :
-" Tu tisses, ma nièce ? Tu tisses, ma chérie ?"
- "Je tisse, ma vieille tante, je tisse", répondit le chat d'une grosse voix.

Furieuse, Baba-Yaga se précipita dans la maison. Plus de petite fille !
Elle rossa le chat et cria :
-" Pourquoi ne lui as-tu pas crevé les yeux, traître ?"
-" Eh ! - dit le chat, voilà longtemps que je suis à ton service, et tu ne m'as jamais donné le plus petit os, tandis qu'elle m'a donné du jambon !"

Baba-Yaga rossa les chiens.
-" Eh ! dirent les chiens, voilà longtemps que nous sommes à ton service, et nous as-tu seulement jeté une vieille croûte ? Tandis qu'elle nous a donné du pain tendre !"

Baba-Yaga secoua la barrière.
-" Eh ! dit la barrière, voilà longtemps que je suis à ton service et tu ne m'as jamais mis une seule goutte d'huile sur les gonds, tandis qu'elle m'en a versé une pleine burette !"

Baba-Yaga s'en prend au bouleau.
-" Eh ! dit le bouleau, voilà longtemps que je suis à ton service, et tu ne m'as jamais décoré d'un fil, tandis qu'elle m'a paré d'un beau ruban de soie !"

-" Et moi, dit la servante, à qui pourtant on ne demandait rien, et moi, depuis le temps que je suis à ton service, je n'ai jamais reçu de toi ne serait-ce qu'une loque, tandis qu'elle m'a fait cadeau d'un joli fichu rouge !"

Baba-Yaga siffla son mortier qui arriva ventre à terre et elle sauta dedans. Jouant du pilon et effaçant ses traces avec son balai, elle s'élança à la poursuite de la petite fille à travers la campagne.

La petite fille colle son oreille contre la terre : elle entend que Baba-Yaga approche. Alors elle jette la serviette, et voilà que la serviette se transforme en une large rivière ! Baba-Yaga fut bien obligée de s'arrêter. Elle grince des dents, roule des yeux jaunes, court à sa maison, fait sortir ses trois boeufs de l'étable et les amène près de la rivière. Et les boeufs boivent toute l'eau jusqu'à la dernière goutte.

Alors Baba-Yaga reprend sa poursuite. La petite fille est loin. Elle colle l'oreille contre la terre. Elle entend le pilon sur la route. Elle jette le peigne. Et voilà que le peigne se change en une forêt touffue ! Baba-Yaga essaie d'y entrer, de scier les arbres avec ses dents. Impossible !

La petite fille écoute : plus rien. Elle n'entend que le vent qui souffle entre les sapins verts et noirs de la forêt. Pourtant elle continua de courir très vite p arce qu'il commençait à faire nuit, et elle pensait :
"Mon papa doit me croire perdue".

Le vieux paysan était revenu du marché. Il avait demandé à sa femme :
-" Où est la petite ?"
-" Qui le sait ! répondit la marâtre. Voilà des heures que je l'ai envoyée faire une commission chez sa tante."

Enfin, la petite fille, les joues plus roses que jamais d'avoir couru, arriva chez son père. Il lui demanda :
-" D'où viens-tu, ma petite ?"
-" Ah ! dit-elle, petit père, ma mère m'a envoyée chez ma tante chercher une aiguille et du fil pour me coudre une chemise, mais ma tante, figure-toi que c'est Baba-Yaga, la cruelle ogresse !"

Et elle raconta toute son histoire. Le vieil homme était très en colère. Il chassa la marâtre de sa maison et lui ordonna de ne plus jamais revenir. Depuis ce temps, la petite fille et son père vivent en paix. Je suis passée dans leur village, ils m'ont invitée à leur table, le repas était très bon et tout le monde était content.



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